Les insectes, mal-aimés mais nécessaires


Les petites bêtes, qui forment les deux tiers des espèces terrestres, disparaissent à un rythme soutenu. "La proportion d'espèces d'insectes en déclin (41 %) est deux fois plus élevée que celle des vertébrés", indiquent les chercheurs. C'est certain, on s'émeut plus facilement du sort des grands animaux que des bestioles ailées ou aux pattes velues qui piquent et qui grattent. Et pourtant, elles sont "d'une importance vitale pour les écosystèmes planétaires", insistent les scientifiques qui s'attendent à une véritable catastrophe.

Parmi les plus affectés, on trouve les papillons et les mites de la famille des lépidoptères, les abeilles, les guêpes, les fourmis et frelons, de celle des hyménoptères... Les scarabées, et les coccinelles font aussi partie des plus menacés, ainsi que les perles, aussi appelés mouches de pierre. Les insectes aquatiques comme les libellules ne sont pas épargnés.


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On pourrait se réjouir de ne plus avoir à nettoyer son pare-brise sur les routes de campagne, ou de manger plus tranquillement en extérieur, sans craindre une attaque d'abeilles voraces. Mais avec l'effondrement des insectes, c'est toute la biodiversité qui menacée. Si un bourdonnement ne nous manquera certainement pas, qu'en est-il du chant des oiseaux ? Selon une étude parue fin 2017 et basée sur des captures réalisées en Allemagne, l'Europe aurait perdu environ 76 % de ses insectes en moins de 30 ans, contribuant à faire disparaître plus de 400 millions d'oiseaux. Oiseaux, mais aussi hérissons, lézards, amphibiens (comme les grenouilles), poissons... tous se nourrissent d'insectes. Par ailleurs, les plantes sont directement menacées par la disparition d'insectes pollinisateurs qui en facilitent la reproduction. Or, selon Greenpeace, 75 % de la production mondiale de nourriture dépend de ces abeilles et autres bourdons.

L'agriculture intensive pointée du doigt


Le recul des insectes remonte au début du XXe siècle, mais il s'est accéléré dans les années 1950-60 pour atteindre "des proportions alarmantes" ces 20 dernières années. Urbanisation, déforestation, conversion agricole... Les insectes perdent leur habitat, chassés par l'intensification des pratiques agricoles, et surtout le recours massif aux pesticides et aux engrais de synthèse. Sánchez-Bayo pointe notamment les nouvelles classes d'insecticides, comme les néonicotinoïdes, interdits en France depuis 2018 (sauf dérogations), et le fipronil qui persistent dans l'environnement : "Ils stérilisent le sol, tuant tous les vers", explique-t-il. À cela s'ajoutent les agents pathogènes (virus, parasites), face auxquels certaines espèces deviendraient moins résistantes, les espèces invasives et le changement climatique, surtout dans les régions tropicales pour l'instant.

Malgré un certain optimisme affiché face à la disparition des insectes, le vice-président du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) pense qu'"il faut le plus vite possible changer de braquet". "Je ne sais pas si, dans ces conditions, on peut se réjouir du pragmatisme du président de la République sur le glyphosate", note François Letourneux sur France Info. "Parce que la disparition des insectes, c'est évidemment les pesticides, les insecticides et aussi les herbicides qui détruisent les milieux dans lesquels ils vivent."

par Léa Guedj (France inter)